Re-nouveau de l’horlogerie et de la joaillerie : Pour un temps durable et une pureté de l’engagement (2/3)
Céline Dassonville, Experte en Luxe durable, vous propose cette chronique sur les avancées du secteur de l'horlogerie et de la joaillerie vers plus de durabilité et responsabilité. Dans ce deuxième volet, notre auteure aborde les notions de hard luxury mais également les enjeux de sourcing et d'éthique qui s'imposent désormais au secteur...
Malgré les atouts recensés dans le premier volet de cette chronique, le secteur du “Hard Luxury” a besoin d’effectuer sa mue et de témoigner de meilleures garanties éthiques sociales et environnementales.
Cette transformation s’effectue sous l’impulsion de plusieurs facteurs : les évolutions réglementaires, les nouvelles attentes clients, les pressions des ONGs, le développement d’innovations technologiques durables et l’arrivée de nouveaux entrants. Le secteur du Hard Luxury est ainsi questionné dans la gestion de son impact, aussi bien indirect au regard du respect de l’environnement et des droits humains que direct au vu de sa culture exclusive et ostentatoire.
Les matières premières, les métaux et les pierres précieuses ont des origines minières. Hors, au regard de l’environnement les mines génèrent d’importants impacts négatifs : la perturbation de la biodiversité attenante, les émissions de CO2 induites par l’extraction principalement effectuée à partir d’énergies carbonées ou encore pollutions chimiques liées à l’utilisation des substances chimiques (mercure et cyanure dans le cadre de l’or, explosifs dans les mines de pierres ). Le secteur doit aujourd’hui s’atteler à réduire cet impact environnemental négatif et à régénérer ces pratiques extractives.
De plus, la géographie du précieux pose question. Diamants, pierres précieuses et pierres de couleurs se trouvent souvent dans des pays en voie de développement et aux réglementations permissives. Les situations pouvant être associée esclavage modernene sont pas rares; De surcroît, pour des raisons structurelles, l’approvisionnement des pierres précieuses demeure opaque avec de nombreux intermédiaires et la traçabilité n’est toujours pas la norme. Cependant, deux réglementations ont étendu la responsabilité des maisons de luxe en 2021 : l’obligation des audits de droits humains de bout en bout et le devoir de diligence de l’OCDE. S’ajoutent aussi en France, la loi Climat-Résilience et la loi Agec qui tendent à normaliser les bilans carbone de rang 3 et à plébisciter une trajectoire 1.5 C et à prohiber l’utilisation des plastiques à usage unique qui en valeur absolue demeurent une pollution marginale mais néanmoins symbolique.
Du côté de l’éthique, le précieux présente de nombreux risques. Malgré la mise en place du Kimberley Process, les frontières restent poreuses et la corruption rend complexe la certitude de ne pas avoir des minerais de zone de conflits. Les plus belles pierres et les plus qualitatives se trouvent malheureusement dans les sols de pays où le risque de financement indirect de conflit est avéré : Myanmar pour les rubis saphirs, la jade et l’onyx ou encore l’Afghanistan pour le lapis lazuli. Plus récemment, le conflit Russo-Ukrainien a aussi complexifié la donne avec la nécessité de s’émanciper du risque de créations horlogères et joaillières à partir de diamants ou d’or russe (Alrosa est le premier fournisseur en quantité de diamants au monde). Les ONG, de Human Right Watch à Global Witness en passant par WWF, invitent le secteur à mieux exercer leurs responsabilités environnementales et sociales et exigent la traçabilité.
Du côté des consommateurs, on assiste aussi à une modification des comportements avec de plus en plus d’attentes et de questions sur la manière dont les Maisons de joaillerie et horlogères exercent leurs responsabilités. Selon le “Consumers and Sustainability in the Diamond industry” par GlobeScan et De Beers Group (Juillet 2021), 56% des consommateurs sont prêts à payer 10 à 20% plus chers un diamant d’une marque qui prouve son engagement de durabilité. Le Responsible Jewellery Council (RJC) qui a le mérite d’exister et de progresser dans l’intégration de facteur d’impact dans ses certifications, ne cesse d’être invité à avancer dans ses garanties sur les chaînes de sous traitance. Le consommateur attend, au-delà du beau de la transparence, le respect de l’environnement et des droits humains. Lors de l’achat d’un diamant naturel, la protection de l’environnement arrive en deuxième critère d’achat, après la qualité et avant le design et le prix (Consumers and Sustainability in the Diamond industry” par GlobeScan et De Beers Group, Juillet 2021).
Enfin l’innovation vient accélérer cette mue avec des innovations qui se positionnent comme étant moins négatives au regard de leur impact environnemental (le diamant ou la pierre grandie en laboratoire) ou positives dans la mise en œuvre de la traçabilité et de la transparence (blockchain ou technologies permettant de réaliser des ADN unique authentifiant l’origine des pierres précieuses selon la mine).
Auteure : Céline Dassonville, Experte en luxe durable et B Leader.
Retrouvez le premier volet de sa chronique ici et le troisième volet ici.