Pourquoi chaque entreprise doit intégrer le changement climatique ?
Quel est le lien entre adaptation au changement climatique et atténuation au changement climatique ? L’adaptation au changement climatique est complémentaire de l’atténuation au changement climatique. Complémentaire car l’un ne peut plus être envisagé sans l’autre.
Il est d'ailleurs étonnant que l'adaptation au changement climatique soit réellement arrivée dans les agendas après l’atténuation, alors même que nos sociétés ont commencé à s'adapter bien avant de chercher à réduire leurs émissions de GES.
A titre d’exemple, nous pouvons citer les actions de luttes contre les inondations : lorsqu’un événement de cette ampleur a lieu, on cherche à ne plus le voir survenir si bien que l'on a toujours un coup de retard. Les gestionnaires de territoire ont aujourd'hui le défi d'adapter leurs espaces en comblant les retards et (surtout) en anticipant des événements qui deviendront (beaucoup) plus intenses.
L'horizon temporel des entreprises est-elle compatible avec les stratégies d'adaptation ?
La plupart du temps, on nous parle de changement climatique pour la fin du siècle ce qui peut paraître lointain pour une entreprise ! Néanmoins, le changement climatique c’est maintenant ! Nous avons "gagné" 1.2°C à l'échelle mondiale (le double à l’échelle des continents) et nous en supportons déjà les conséquences. Dès lors, jusqu'où regarder ?
Penser qu'il n'est pas possible de voir à plus de 3 ans est une vision trop étroite de la stratégie d'une entreprise. Il n'est pas rare que des décisions de 2023 portent les premiers jalons de 2040 voire 2050 ! On parle ainsi de quelques années pour modifier les pratiques agricoles, de dizaines d'années pour refaire une ville et au moins un siècle pour les forêts !
Comment identifier sa vulnérabilité face aux événements climatiques ?
Prendre les mesures nécessaires pour prévenir les événements climatiques et atténuer leurs conséquences sur nos écosystèmes est une démarche qui intéresse non seulement les gestionnaires de territoire, mais aussi l’ensemble de la société et les entreprises en première ligne.
En tant qu’entreprise, ces 5 questions vous aideront à savoir si vous êtes concernée :
- Sur les 12 derniers mois, un événement climatique majeur a-t-il interrompu ou sensiblement impacté l’activité ?
- L’activité est-elle saisonnière ?
- L’activité connait-elle de forte variation d’une année sur l’autre ?
- L’activité demande-t-elle des infrastructures importantes aussi bien en propre que pour les principaux fournisseurs et clients ?
- L’activité est-elle fortement dépendante de la présence des employés à leur poste de travail ?
Un seul 'oui' doit vous alerter ! A savoir que c’est majoritairement le cas car 70% de l'activité économique est météo sensible et qu’il s’agit d’un sujet qui sera probablement amplifié demain.
La question est par conséquent : Est-ce que cela impactera l'activité sur des points de basculement déjà vécus, aperçus ou heureusement seulement esquissés ?
Un point de basculement peut être un événement destructeur lorsque de violentes inondations endommagent durablement les installations électriques entraînant des mois de fermeture. Mais cela peut être également une modification forte des pratiques des clients.
Par exemple, si les Grottes de Han sont recherchées pour leur fraîcheur, les sites touristiques comme les parcs d'attraction connaissent une dynamique diamétralement opposée. Un autre exemple est le secteur agroalimentaire qui est particulièrement lié au climat et ses vicissitudes. Un regard porté sur les brasseurs donne de riches enseignements : les matières premières comme l'orge peuvent être sous tension, mais c'est surtout la stabilité en goût du produit final qui importe ! Une bière de qualité au goût stable demandera des ingrédients stables quand, au contraire, une bière de qualité au goût évolutif et variable sera agile pour faire évoluer ses matières premières (retour des interviews réalisées dans le cadre de l'étude SECLIM auprès de plusieurs brasseurs).
Une entreprise doit s’intéresser aux signaux faibles de son écosystème. Ces derniers se manifestent par des événements visibles, mais sans conséquences significatives :
- Une coulée de boue sans dommage en centre-ville à la suite d’un violent orage (mais pas exceptionnel) ;
- La non-qualité ponctuelle d’une chaîne de production automatisée en raison d’une trop forte variation de température sur 24 heures (pertes de matières premières, temps machine perdue, retards de livraison) ;
- L’installation à la hâte d’un système de climatisation mobile pour des bureaux en surchauffe estivale.
C’est donc toute la chaîne de valeur qui est interrogée au regard des événements climatiques : des approvisionnements aux comportements des clients, en passant par le stockage, la logistique ou encore la transformation. Cette réflexion pose les bases d’une analyse de vulnérabilités au changement climatique.
Les projections climatiques nous donnent des tendances pour les prochaines années. Il est ainsi illusoire de penser ou espérer que les canicules seront moins fortes et fréquentes à l'avenir, bien au contraire. Il s'agit alors d'envisager conjointement les conséquences d'une amplification des aléas voire d’envisager l'inenvisageable comme le fonctionnement en mode dégradé (rupture temporaire ou prolongé d'approvisionnement en eau, en électricité), forte perte qualitative des matières premières (décalibrage des fruits et légumes, etc.)
Chaque organisation a donc ses propres spécificités au regard du changement climatique, des capacités et une vitesse de changement propre. In fine, l'anticipation est la clé du développement de sa résilience, celles qui auront su le faire auront de meilleurs atouts pour l'avenir.
Auteur : Xavier P., Expert People4Impact
Xavier Pouria, Expert atténuation et adaptation au changement climatique, accompagne les acteurs privés et publics dans leurs stratégies de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et d'adaptation au changement climatique.