PME & ETI : Comment réussir sa stratégie de décarbonation ?

Le bilan carbone et la déclaration de performance extra-financière peuvent certes constituer de bons points de départ pour une réflexion sur la décarbonation, mais ils ne concernent pour l’instant que certaines entreprises de plus de 500 salariés. Par ailleurs ils sont souvent vécus comme de simples obligations réglementaires plutôt que le premier pas d’une démarche vertueuse.

Cette chronique est donc l’occasion de partager quelques bonnes pratiques pour une stratégie de décarbonation réussie dans une PME ou une ETI.

Renforcer le POURQUOI

Comme toute stratégie de transformation, une stratégie de décarbonation est un processus long, et qui se heurte souvent à des obstacles durant sa mise en place - qu’ils soient externes (fluctuations du marché, changements réglementaires…) ou internes (résistance des équipes, choc des priorités…). Pour ne pas perdre le cap, il est donc primordial que toute l’organisation soit convaincue de la nécessité de décarboner l’activité de l’entreprise. 

Sensibiliser pour embarquer toute l'organisation...

Cela commence par la formation de toute l’organisation aux enjeux climatiques, afin de comprendre pourquoi il est nécessaire d’agir, et en quoi l’entreprise contribue jusqu’alors au réchauffement climatique. Cette étape donne du sens à la décarbonation de l’entreprise, et désamorce des résistances initiales. Notons qu’il est important de former toute l’organisation, et pas seulement l’équipe dirigeante, d’une part car la transformation affecte souvent une grande partie des activités et doit donc être légitime pour toutes les équipes, d’autre part car chacun et chacune est concerné.e par le changement climatique.

Des ateliers participatifs comme la Fresque du climat ou 2tonnes permettent d’acquérir en quelques heures une compréhension globale du changement climatique, et incitent les participant.e.s au passage à l’action. Pour faire participer toute une entreprise, il est souvent bénéfique de confier la coordination de la campagne de formation à une personne bien intégrée dans l’entreprise, qui connaît les bons interlocuteurs et saura tenir compte des contraintes des différents pôles de l’entreprise - par exemple, libérer 3 heures pour participer à une Fresque sera plus simple pour des cadres que pour des opérateurs logistiques.

Enfin, allouer du temps et des ressources au coordinateur de la campagne, et faire de la formation de toute l’organisation une priorité de l’entreprise permettra de créer le momentum nécessaire à la définition de la stratégie de décarbonation.

...et éviter de tomber dans le greenwashing

En plus de donner du sens à la décarbonation de l’activité, sensibiliser les équipes aux mécanismes du changement climatique contribuera à identifier les leviers de décarbonation les plus efficaces pour l’entreprise… et évitera de prioriser des chantiers à l’impact négligeable, ou de passer à côté des vrais leviers de changement. Ainsi, connaître la répartition des émissions de gaz à effet de serre par secteur permet facilement de voir que mettre en place le tri sélectif ne peut pas être le chantier prioritaire de décarbonation d’une major du pétrole…!

Une fois le “Pourquoi” de la stratégie de décarbonation clarifié, les équipes sont convaincues du sens de cette démarche, et ont acquis un socle de connaissances sur le changement climatique. Les conditions sont réunies pour commencer la définition de la stratégie de décarbonation.

Ecrire le QUOI

La définition de la stratégie de décarbonation

Définir une stratégie de décarbonation n’est pas le même exercice que définir une stratégie d’entreprise. En effet, si une grande partie d’une stratégie d’entreprise repose sur des réflexions de l’ordre de la micro-économie (ex : positionnement concurrentiel, stratégie de prix), tenir compte des enjeux climatiques nécessite d’élargir le champ de réflexion à l’écosystème dans lequel l’entreprise évolue. C’est par exemple l’idée derrière une analyse de cycle de vie, où un produit ou un service est analysé depuis l’approvisionnement en matières premières, jusqu’à son recyclage. La définition de la stratégie de décarbonation doit donc impliquer toutes les instances de l’entreprise, ainsi que les parties prenantes externes. Par exemple, les réflexions autour de la décarbonation d’une gamme de produits doivent évidemment impliquer les équipes marketing et production, mais aussi les clients de l’entreprise. De même, les fournisseurs doivent être consultés pour nourrir les réflexions stratégiques autour de la décarbonation des Achats.

Enfin, la cohérence de la stratégie de décarbonation sera assurée par un dialogue régulier entre les différents départements de l’entreprise tout au long du travail. Ici aussi, il faut veiller à ce que les personnes impliquées aient du temps à consacrer à ce travail, et/ou soient temporairement libérées de leurs responsabilités habituelles.

Gouvernance

Et comme tout projet, la définition de la stratégie de décarbonation doit avoir une gouvernance et des indicateurs propres - une personne (interne ou missionnée ad hoc) pourra par exemple être chargée de la coordination des échanges et de l’avancement du projet.

Clarifier le COMMENT

Rôles et responsabilités

Toute stratégie, aussi bien définie soit-elle, court toujours un risque de rester au fond d’un tiroir et de n’être mise en œuvre que partiellement. Ici encore, il s’agit d’utiliser le momentum créée par la phase de définition et d’ancrer rapidement la stratégie de décarbonation dans le système de management. Une des priorités doit être d’adapter les rôles et responsabilités pour permettre la mise en œuvre de la décarbonation : qui portera quelles responsabilités, avec quelles ressources, appuyé sur quelles formations ? Un corollaire essentiel est d’intégrer les instances de gouvernance de la décarbonation au processus de budgets de l’entreprise.

Les indicateurs de performance

De plus, la stratégie doit se traduire par des objectifs et des indicateurs de performance adaptés, afin d’aligner les incitations avec les objectifs de décarbonation. A ce titre, une attention particulière doit être portée aux possibles contradictions entre les objectifs existants et les nouveaux. Le domaine de la production est souvent concerné par cet enjeu : par exemple, des objectifs initiaux sur le temps de production peuvent être incompatibles avec de nouveaux objectifs de réduction des déchets qui induiraient des manipulations supplémentaires.

Priorisation des chantiers

Par ailleurs, si l’organisation n’est pas prête à absorber l’effort appelé par la stratégie de décarbonation, il est important de regarder ces limites avec pragmatisme : cela pourra passer par une concentration des efforts sur les chantiers ayant le plus d’impact (méthode 80-20). Ainsi, une entreprise de conseil pourra par exemple prioriser une politique de déplacements professionnels limitant fortement les voyages en avion (sa première source d’émissions de GES) avant de repenser son approvisionnement en outils numériques (une source d’émissions 15 à 20 fois moindre pour cette entreprise).

Communication

Enfin, comme lors de la phase de définition, la transparence et la dimension participative doivent rester centrales. Une communication fréquente et interactive sur les avancées (et obstacles !) de la mise en œuvre de la stratégie de décarbonation est essentielle pour impliquer durablement toutes les équipes dans cette transformation.

Décarboner une PME ou une ETI est une nécessité, et peut impliquer une transformation profonde de l’entreprise. Mieux vaut donc l’aborder comme un projet à part entière, et s’appuyer sur l’expertise et l’expérience de profils déjà passés par là pour garantir un projet réussi. Et vous, quels enseignements avez-vous tirés de votre stratégie de décarbonation ? 

Auteure : Héloïse B., experte People4Impact 

Consultante Manager en Stratégie et RSE, Héloïse Barbat accompagne les entreprises dans la définition de leur stratégie de décarbonation et leur stratégie RSE.