L'impact des filières ingrédients cosmétiques sur la biodiversité (4/4)
Les certifications biologiques, si elles suggèrent de ne pas détruire la biodiversité existante sur les exploitations elles-mêmes, certifient certaines productions à grandes échelles qui sont loin de servir la biodiversité.
Biodiversité : outils d’évaluation de bonnes pratiques et outils d’actions
Le premier outil international de certification à inclure la biodiversité est l’Union for Ethical Biodiversity (UEBT) du programme BioTrade, issu de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED, ou UNCTAD en anglais). Cependant, il existe des certifications d’espèces exotiques plus récentes qui restent discutables.
Les outils d’évaluation de bonnes pratiques des entreprises relatifs à la biodiversité commencent à être promus spécifiquement sur le territoire français. « Le Global Biodiversity Score ® (GBS), développé par la CDC Biodiversité, offre la possibilité de mesurer quantitativement l’empreinte (impacts) biodiversité d’une entreprise sur l’ensemble de sa chaîne de valeur, à l’instar de l’empreinte carbone », nous dit-on. De la même façon, ses cibles – certainement stratégiquement justifiées – sont les très grandes entreprises et les grandes entreprises, c’est pourquoi l’outil doit être acceptable pour le plus grand nombre d’entre elles.
En ce qui concerne la promotion de produits certifiés, cela reste une bonne base afin de faire respecter certaines règles environnementales et sociales, mais les résultats de terrain montrent que les mentions « Bio » ou « Commerce équitable » ne permettent pas l’implication des communautés productrices dans des actions proactives pour la biodiversité.
Exemple d’outil : Collaterra
En collaboration avec plusieurs experts, nous avons passé en revue près de 500 critères sur 37 thématiques des standards de certification FSC, Bio, ISO, UEBT et Wildlife Friendly pour en soutirer une approche analytique et ainsi promouvoir des actions préservant la biodiversité. Le but n'a pas été de promouvoir un nouveau label de certification, mais d’aider à faire avancer les industries des ingrédients naturels pour transformer des risques en impacts positifs sur la biodiversité.
L’outil d’analyse, que nous avons appelé Collaterra, a été testé avec succès sur plus de trente entreprises, dont l’ensemble des fournisseurs d’ingrédients naturels cosmétiques de CHANEL. Il a été laissé libre de droit.
L’utilisation de l’outil Collaterra se fait par paliers. Il est en effet généralement nécessaire de se donner des priorités d’intervention avant de démarrer le processus d’évaluation des risques et des impacts de ses filières.
L’analyse part du principe qu’il est fondamental, dans le contexte actuel, de chercher à rendre positif pour l’environnement les filières de valorisation de ressources naturelles en impliquant les communautés locales et le secteur privé.
L’outil peut ainsi être utilisé par ces derniers aussi bien que par des gestionnaires de programmes de conservation ou de développement.
Les étapes de l’évaluation :
1. Le Système de pré-évaluation
Le système de pré-évaluation de filières permet de cerner rapidement des risques majeurs de filières. Il devient ainsi possible de prioriser techniquement les travaux d’évaluation et d’amélioration de filières au vu de leurs impacts probables.
En pratique :
L'analyse préliminaire apparait très logique ; si un extrait de plante est issu du bois d'une espèce assez rare dans un pays avec un cadre de gestion environnementale peu contrôlé et qui n'est pas cultivé, on se doutera tout de suite que les risques sur la durabilité de l'exploitation peuvent être plus important que sur une plante cultivée en Europe.
Le bois de Oud très à la mode en parfumerie actuellement est largement surexploité et est considéré menacé de disparition même si la Convention sur le Commerce International des Espèces menacées en a régulé le commerce depuis 1995 ; "on tue la poule aux oeufs d'or".
2. L’évaluation des filières
L’évaluation des filières va se faire suivant des critères environnementaux et sociaux, mais aussi en prenant en compte les aspects techniques et économiques de la filière. Ceux-ci sont en effet indispensables pour cerner les potentiels d’exploitation durable de la ressource.
Par exemple, en approfondissant des cultures industrielles de gingembre en Inde ou autre qui utilisent de la main d'œuvre ponctuelle de migrants et des tonnes de pesticides sur des sols érodés, ils n'ont en fait que des impacts négatifs. Les mêmes produits plantés avec des communautés locales en agroforesterie bio dans le cadre de programmes de gestion de l'environnement peuvent avoir des impacts sociaux positifs majeurs et contribuer à la conservation de la biodiversité.
Au terme de l’évaluation, il devient possible de positionner la maîtrise de la filière étudiée sur différentes thématiques et de cerner des pistes d’amélioration. Les risques sont ainsi limités petit à petit - ou rapidement suivant les mesures prises-, que ce soit au niveau industriel ou des impacts environnementaux et sociaux sur le court et le long terme.
Pour chaque point d’analyse, si l’évaluateur le désire il trouvera sur le document de référence les critères de définition précis de différents systèmes de certification.
Il ressort que si l’on plonge des équipes de sourcing et d’achats dans une réflexion logique d’analyse – et qu’on se met à comprendre l’origine de ses ingrédients – la logique d’action pour que l’économie puisse servir la préservation des ressources naturelles apparaît d’elle-même.
Auteur : Olivier Behra, Expert Biodiversité People4Impact
Olivier Behra intervient auprès de différentes organisations afin de favoriser et de développer des approches favorables à l'environnement et à la biodiversité. Il travaille aussi avec de nombreuses institutions d'aide au développement et d'ONG internationales pour soutenir des projets de conservation de la nature et de défense des droits humains.