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L'Aviation à la Croisée des Chemins : Techno-solutionnisme ou Effondrement ?

Par JOHN ADRIEN, le

Photo Unsplash x John A.

L'aviation occupe une place unique par son ambivalence exacerbée dans notre société moderne. D'un côté, elle est synonyme d'ouverture sur le monde et d’excellence technologique. De l'autre, elle est pointée du doigt pour son impact sur le changement climatique et son élitisme. Cette ambivalence définit la situation actuelle de l'aviation, dont le rôle dans la transition énergétique est complexe à définir. Doit-elle disparaitre dans le sillon des industries polluantes ? Ou doit-elle guider l’innovation des énergies décarbonées ?

L'aviation en quelques chiffres

L'aviation, bien qu'elle représente moins de 5% des émissions mondiales de GES, a franchi des étapes importantes vers la durabilité. En 2016, le secteur a signé le traité international CORSIA, engageant 191 nations dans une démarche de décarbonation. Économiquement, l'aviation contribue significativement au PIB français (environ 5%) et à l'emploi (7%). C’est un pôle d’excellence dont la technologie de pointe ruissèle sur d’autres industries.

Vue dans sa globalité, elle nécessite moins d'infrastructures (de béton) que d'autres modes de transport. Culturellement, l'aviation rapproche les peuples, favorise la compréhension interculturelle, œuvrant in-fine pour la paix. Elle incarne également la réalisation d'un rêve transcendant les limites de notre espèce, elle permet à l’homme de voler !

Malheureusement, elle émet plus de GES par passager que tout autre moyen de transport. Un vol aller-retour Paris-New York épuise l'intégralité du budget carbone annuel individuel recommandé par le GIEC (2 tCO2e). De plus, le trafic aérien connaît une croissance exponentielle, pouvant doubler d’ici 2050. Enfin, l'absence de taxation sur le kérosène est perçue comme une injustice sociale, car seuls 20% de la population a déjà pris l’avion. 

 

Vers la transition de l'aviation ? 

L’aviation est en même temps excellente et effrayante. Certains veulent sa disparition, je travaille à sa transition.

À court terme, la mesure annuelle des impacts environnementaux, la montée en intensité des réglementations (TICPE, RefuelEU, EU-ETS, Corsia), l'efficience des usages et l'utilisation de biocarburants sont mis en place. En aval, malgré les critiques et le dérives de certains crédits carbones, de nombreux projets de compensation par la préservation des puits de carbone, l'évitement et la captation des GES sont remarquablement vertueux.

À moyen terme, l'aviation doit se tourner vers des carburants neutres en carbone, tels que les biocarburants nouvelles générations présentant moins d’externalités négatives, pour aboutir aux carburants de synthèse. La réglementation est bien en place, encore faut-il que les efforts du secteur soient suffisants pour en produire suffisamment et atteindre les objectifs.

À long terme, les énergies décarbonées, telles que le tout-électrique et l'hydrogène, doivent se perfectionner en décuplant le rythme de la recherche et de l’innovation.

 

Rien n’est acquis, mais les bureaux d’études aéronautiques sont d’une intelligence fabuleuse, ces regroupements de brillants cerveaux sont habitués à résoudre des problèmes ultra-complexes en respectant des contraintes nombreuses et souvent contradictoires.

Si les dirigeants des groupes de rang 1 décident, comme le font déjà les start-ups innovantes, de mettre tous leurs efforts sur la transition énergétique de l’aviation, cette transition se fera. J’ai confiance dans le génie des ingénieurs aéronautiques et en leur capacité d’innovation.

Evidemment, les grands groupes industriels sont principalement contraints par des obligations de rentabilité et de préservation de l’emploi à court terme, donc ne peuvent se jeter à corps et fonds perdus sur des objectifs à long terme. Pourtant il leur est urgent de réaliser à quel point leur rôle est fondamental et d’organiser une période de difficulté, sacrifiant les améliorations à moyen terme pour rediriger les ressources sur les technologies de rupture à long terme.

 

L’autre difficulté sera alors le rythme galopant de l’innovation des 20 prochaines années, toute nouvelle technologie sera vite rendue obsolète par la suivante. A l’inverse de l’exemple des smartphones, ce sont des appareils produits en petites quantités et dotés de 30 ans de durée de vie. Ce risque pour les grands groupes est une opportunité pour les start-ups.

 

Auteur : John A., Expert People4Impact 

John Adrien, Consultant en RSE spécialisé dans le conseil en stratégie d'entreprise, accompagne les organisations sur les enjeux de transition énergétique et de data science.