Gouvernance et RSE : vers une gouvernance développement durable
Nous sommes face à un nouveau défi : passer de la gouvernance du développement à la transformation de la gouvernance de l’entreprise pour y intégrer le développement durable, ce que certains appellent la gouvernance durable.
Comment ce mouvement s’amorce-t-il?
Parce que « la gouvernance est la manière par laquelle le développement durable se construit [1]», parler de développement durable, c’est aussi parler de gouvernance. L’importance des enjeux a pu conduire à se focaliser sur la définition d’objectifs. L’enquête de HSBC, menée fin 2020, montre que les engagement sociaux et environnementaux ont progressé de 10% ou 12% entre 2019 et 2020 alors que les engagements de gouvernance ont régressé [2].
La loi PACTE, en imposant la prise en considération des enjeux environnementaux et sociaux par les entreprises et en invitant à la définition de raison d’être voire de mission, requiert cette réflexion. Or, les études montrent qu’il reste du chemin à parcourir.[3]
Les difficultés de Danone en fin d’année dernière sont venues nous rappeler la « tendance […] à se concentrer sur les profits à court-terme réalisés par les actionnaires, au détriment des intérêts à long terme de l’entreprise », comme le souligne la Commission européenne dans sa récente étude sur la gouvernance durable.
La gouvernance est « le système par lequel une organisation prend des décisions et les applique en vue d'atteindre ses objectifs »[4]. Les mécanismes de prise de décision en sont un élément fondamental.
L’intégration du développement durable s’est faite autour d’un schéma de gouvernance assez homogène : engagement du dirigeant, création d’une direction du développement durable rattachée à un dirigeant souvent membre du Comex, un réseau de correspondants et de nouveaux dispositifs d’écoute des parties prenantes.
Vers une prise en compte de la RSE au sein des Conseils d'administration
Aujourd’hui face aux enjeux, et parce que la responsabilité d’entreprise touche l’ensemble des décisions, de la stratégie aux pratiques quotidiennes, on assiste à une évolution de la gouvernance. L’analyse des pratiques des entreprises les plus engagées le montre. Ceci concerne d’abord les processus managériaux mais commence à toucher les Conseils d’administration.
S’agissant des mécanismes internes de management, on note des évolutions fortes dans un certain nombre d’entreprises, sans surprise des entreprises engagées, témoignant d’une prise en compte plus stratégique de la RSE :
o Un repositionnement du développement durable au COMEX. Le développement durable ou la RSE devient une attribution explicite d’un membre du Comex et, dans un certain nombre de cas, le Directeur du Développement Durable avec cette fonction exclusive est membre du COMEX.
o Plus récents et donc un peu plus limités, une reconfiguration et un repositionnement du Comité Développement Durable ou RSE pour y intégrer des membres du COMEX et dans quelques cas, se tiennent des Comex dédiés à la thématique développement durable
o Une participation dans quelques cas du Directeur Développement Durable au Comité des risques et des engagements et l’intégration sous diverses formes du développement durable dans le management des projets notamment de ceux remontant au Comex.
S’agissant des Conseils d’administration, en corollaire de la loi Pacte, des évolutions de la société et aussi de la montée de la finance verte, leur mobilisation autour de la RSE devrait se renforcer. Force est toutefois de constater que les évolutions sont plus lentes. Des commissions dédiées à la RSE ont été créées dans un certain nombre de Conseils d’administration. Dans au moins une grande entreprise(Kering), le Président du groupe en est membre. On voit aussi s’amorcer la désignation d’administrateurs ayant des compétences pour porter l’enjeu.
L’étude récente de PWC (certes à l’échelle mondiale) montre, une progression forte des ordres du jour des CA abordant des sujets RSE. Mais les compétences des administrateurs restent à renforcer. Ainsi, parmi les qualités attendues d’un membre de Conseil d’administration, la compétence financière est classée en tête avec 89% des suffrages et celle du développement durable ne vient qu’en dernier avec 10%[5].
Enfin, le dialogue avec les parties prenantes doit continuer de s’élargir et s’approfondir pour comprendre leurs attentes et les partager avec elles. A ce titre, il est intéressant de noter que l'entreprise EDF vient de repositionner son Comité des parties prenantes au niveau le plus élevé en le faisant co-présidé par son PDG.
Approfondir la gouvernance est indispensable pour ancrer et atteindre les objectifs et réussir l’intégration du développement durable. Le mouvement est engagé ! Il va se poursuivre et vite si l’on en croit les mutations intervenues au cours de l’année 2020.
Auteure : Dominique Ganiage, Freelance People4Impact, Experte de la Gouvernance Développement Durable
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Source :
[1] IDDRI, gouvernance du développement durable
[3] enquête ORSE/des enjeux et des hommes de 2018, rapport de la Commission européenne de 2020, réflexion de l'IFA, avril 2020
[4] Norme ISO 26000