Biodiversité et Entreprises : un avenir en commun
Elle était annoncée pour 2020 ; la grande année de la Biodiversité aura finalement lieu en 2021, avec au menu plusieurs grands événements internationaux.
Dès janvier, le bal a été ouvert avec l’organisation en France de la 3ème édition du One Planet Summit consacrée à la biodiversité. Deux autres grands rendez-vous fixeront les nouveaux objectifs internationaux pour stopper l’érosion de la biodiversité : la COP 15 de la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui aura lieu en Chine (Kunming) du 17 au 30 mai 2021 et le Congrès mondial de l’UICN (Union internationale pour la Conservation de la Nature) qui se tiendra à Marseille du 3 au 11 septembre 2021.
De toute évidence, ce calendrier va accélérer encore la prise en compte de la sauvegarde du vivant dans l’agenda politique, médiatique et économique.
Hisser l’enjeu de la biodiversité au même niveau que celui du changement climatique dans les entreprises…
Car depuis peu, on sent (enfin) un véritable emballement des entreprises pour la biodiversité. Indéniablement, il se passe quelque chose ! Les coalitions et les prises d’engagements d’entreprises se multiplient en France, en Europe et dans le monde.
Il aura fallu le rapport alarmant de l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, pour réveiller les consciences en mai 2019. Cette instance scientifique, équivalent du GIEC pour la biodiversité, a dressé un constat édifiant :
1 million d’espèces animales et végétales, soit une sur deux, est menacé de disparition au cours des prochaines décennies.
Elle a aussi pointé du doigt les principales causes de l’érosion de la biodiversité, derrière lesquelles se trouvent les activités humaines et donc les entreprises : changement d’usages des sols, surexploitation de ressources naturelles, changement climatique, pollutions, propagation des espèces exotiques envahissantes.
Cette situation a des conséquences critiques pour l’Humanité et les activités économiques allant de l’effondrement de systèmes de santé et alimentaires, jusqu’à la disparition de chaînes d’approvisionnement complètes.
Préserver la biodiversité pour assurer la durabilité des entreprises, tout secteur confondu
Il faut savoir que la biodiversité conditionne les activités économiques : 40% de l’économie mondiale dépend de processus ou services écologiques (approvisionnements en matières premières, eau, pollinisation, régulation du climat, etc.). Le dernier rapport du World Economic Forum sur les risques planétaires à 5-10 ans pour les dirigeants économiques et politiques place la perte de biodiversité en troisième place et les crises en ressources naturelles en cinquième position.
Les difficultés en approvisionnement ne sont pas les seuls risques liés à la biodiversité pour une entreprise. L’obtention d’un permis de construire ou d’une autorisation d’exploiter est soumis à un cadre réglementaire de plus en plus strict (Loi Biodiversité de 2016, objectif de Zéro Artificialisation Nette en France). Sans oublier, les attentes de consommateurs toujours plus exigeants sur l’impact environnemental des produits qu’ils achètent.
Intégrer la biodiversité dans son activité est donc une question de survie et de succès aussi.
Une politique proposant des produits respectueux de la nature, sécurisant les opérations et les approvisionnements de l’entreprise est garante de sa durabilité.
Ce sont toutes ces raisons qui poussent aujourd’hui le monde de la finance à se mobiliser à son tour autour de la biodiversité.
L’entrée de la biodiversité dans la finance verte
En espérant que demain les investisseurs trieront les bons et les mauvaises élèves en matière de biodiversité comme aujourd’hui pour le carbone. Pour accéder aux capitaux, les entreprises vont donc devoir dépasser le stade de l’engagement en faveur de la biodiversité et passer enfin aux actes.
Des outils à disposition des entreprises
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe aujourd’hui de plus en plus de solutions et d’outils pour répondre aux attentes et besoins des entreprises.
En premier lieu, il y a urgence à éduquer, sensibiliser et former les équipes aux enjeux de la biodiversité, et tout particulièrement dans le cadre de leurs métiers. Aussi bien au niveau des comités de direction pour qu’ils comprennent les enjeux stratégiques pour l’entreprise, qu’au niveau des équipes opérationnelles pour qu’elles mettent en œuvre les actions sur le terrain.
Ensuite, il est important d’établir le diagnostic des interactions – impacts et dépendances – de l’entreprise avec la biodiversité afin de bien identifier ses principaux enjeux pour définir un plan d’actions adapté.
Plusieurs outils permettent aujourd’hui d’évaluer l’empreinte biodiversité d’une entreprise, d’un produit, d’une filière, etc. Le Global Biodiversity Score ®️ (GBS), développé par la CDC Biodiversité, offre la possibilité de mesurer quantitativement l’empreinte (impacts) biodiversité d’une entreprise sur l’ensemble de sa chaîne de valeur, à l’instar de l’empreinte carbone.
Enfin, une fois les enjeux biodiversité bien identifiés, l’entreprise peut fixer sa trajectoire, son plan d’actions pour réduire son empreinte sur le vivant en agissant en priorité sur ses principales pressions, sur les étapes les plus impactantes de sa chaîne de valeur, sur les approvisionnements les plus critiques, etc.
Des démarches de certification (Biodiversity Progress), de reconnaissance (Entreprises engagées pour la Nature/Act4Nature France), des normes (AFNOR), des guides (CPME/Comité 21) offrent aux entreprises, toute taille et tout secteur d’activité confondus, des cadres méthodologiques pour structurer leurs démarches en faveur de la biodiversité. Des outils pratiques et nécessaires pour éviter que les réponses des entreprises ne soient que des « mesurettes » très en-deçà des pressions générées par certaines activités économiques.
Installer des ruches ou planter des arbres n’importe où et n’importe comment n’est en aucun cas le signe d’un mouvement de fond des entreprises pour lutter efficacement contre l’effondrement de la biodiversité, et comparable à celui qui avait appuyé la dynamique de l’Accord de Paris sur le climat.
Auteure : Véronique Dham, Freelance People4Impact, Experte de la Biodiversité
Experte française auprès de l’IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services)