CSRD : et si la clé résidait dans le CDP ?

Canva x Adrien Padellec
La publication du projet omnibus a fait couler beaucoup d'encre. L'objectif de la proposition est la simplification d'obligations de reporting, néanmoins les sujets transition liés au changement climatique restent au cœur des problématiques des entreprises. Adrien Padellec, expert freelance People4Impact spécialiste du carbone, décrypte l'évolution du questionnaire du Carbon Disclosure Project (CDP) sous le prisme des exigences de la CSRD. Soumises ou non à la directive européenne, les entreprises, même les plus petites souhaitant produire un rapport volontaire, peuvent voir le CDP comme un outil facilitant le reporting de leurs engagements en matières de décarbonation.
J’enfonce une porte ouverte en disant que les professionnels de la RSE croulent sous les obligations de reporting. Les journées se remplissent de tableaux Excel, de plateformes en ligne et de deadlines toujours plus exigeantes. Il est bien loin le temps où une simple politique environnementale suffisait à montrer patte blanche. Aujourd'hui, la transparence est la norme, et les entreprises doivent justifier de leurs engagements avec des données solides.
“Et le CDP, ça en rajoute quand même une sacrée couche”, m'avait ainsi dit en mai dernier un client, directeur RSE dans l’industrie. Comme le rappelle le baromètre RSE Komeet Kantar de 2024[1], 82 % des entreprises considèrent le manque de temps et d'équipe comme un frein important, et une majorité (65 %) déclarent manquer de budget… Sans parler de celle dont on ne prononce pas le nom qui se profilait à l’horizon : la CSRD et ses ESRS.
Or le CDP 2024 a en effet pu compliquer la tâche : nouvelle plateforme, évolution des questions, obligation de répondre aux catégories « eau » et « forêt », possibilité d’intégrer celle sur le plastique et la biodiversité… Autant dire que mon client n’était pas au bout de ses peines. Ensemble, on a d’ailleurs essuyé quelques plâtres, notamment un raté de la plateforme dans la notation, mais il en a tiré une certitude : ce CDP a été un fantastique atout pour anticiper la CSRD.
Un outil de plus en plus aligné avec la CSRD
« Un tiers des questions étaient aligné avec la CSRD et, pour l’ESRS E1, la plupart des data points étaient déjà couverts » rappelait Pietro Bertazzi, directeur Policy au CDP en juillet 2024 dans un entretien commun[1] avec justement Patrick de Cambourg, président de l’EFRAG, avant d’affirmer que l’objectif du CDP était de s’aligner le plus possible avec les ESRS. Aussi, quelques semaines plus tard, un webinaire du cabinet irlandais Goodbody Clearstream[2] présentait des tables de correspondances entre les modules du CDP et la CSRD : E1, E3, E4, GOV, G1 et même avec la SBM (analyse de double matérialité) !
Heureusement le CDP n’est pas là pour vous faire consommer du consulting mais pour vous aider, c’est pourquoi il est annoncé sur son site[3] qu’un mapping officiel sera publié en amont du cycle de déclaration 2025. Comme le dit Bertazzi : “Ce qui a été écrit une fois peut être lu plusieurs fois”. En d’autres termes, son objectif est de faciliter ce travail de reporting.
Pourquoi donc miser sur le CDP ?
Une approche structurée et gamifiante
Le CDP oblige d’abord à structurer ses données et à se poser les bonnes questions en répondant justement à des questions déjà existantes, évitant ainsi l’impression de partir “from scratch” dans la CSRD et son épouvantail : la double évaluation de la matérialité… aussi en complétant le CDP, vous aurez déjà fait une partie du boulot avec en plus une nouvelle plateforme, lancée en 2024, pensée pour rendre l’expérience plus fluide et engageante et dont l’approche gamifiante incite à améliorer ses réponses et à structurer ses données de manière plus efficace. Barres de remplissage, suggestions automatiques, structure intuitive… L’outil permet même de suivre la relecture, et autorise l’ajout de contributeurs, comme des consultants par exemple. Tout cela est plutôt malin et contribue à gagner du temps.
Un outil stratégique dans une démarche d’amélioration continue
Le second atout du CDP, c’est de permettre à votre entreprise de se situer par rapport à ses concurrents, de suivre sa progression et de mieux comprendre ses résultats au fil du temps. Le scoring détaillé (de A à D, voire F en cas de non-réponse)[4] valorise les engagements et met en lumière les points d’amélioration. En effet, la publication des réponses[5] permet les comparaisons et ainsi en parcourant les réponses au CDP d’autres entreprises, un directeur RSE se rendra certainement compte que certaines actions sont faites dans la sienne sans avoir été valorisées. Mieux, grâce aux questions détaillées sur le bilan carbone dans la partie “climate change”[6], il pourra se pencher sur les méthodes et hypothèses de calculs des différents postes d’émissions d’entreprises de son secteur, ce qui de mon point de vue d’expert peut-être très intéressant pour les postes d’émissions les plus difficiles à estimer comme "Produits et services achetés", "Utilisation des produits vendus" ou encore "Fin de vie des produits vendus" (Catégorie 1, 11 et 12 du GHG Protocol[7]).
Faire le choix de la transparence pour attirer investisseurs, clients et talents
Toute cette transparence, cumulée à un effort de rigueur méthodologique, renforce la crédibilité d’une entreprise qui déclare au CDP, quand bien même sa note n’est pas un A. Que ce soit face aux investisseurs, aux clients ou aux talents, montrer qu’on s’engage avec des données robustes et structurées est un signal fort. Si, selon le baromètre RSE, 70 % des entreprises déclarent avoir des difficultés à mesurer l’impact de leurs actions, le CDP est un bon moyen d’évaluer le retour sur investissement (ROI) des stratégies climat et de la RSE mises en place.
Alors oui, le CDP coûte entre 3 000 € et 7 000 € pour une entreprise en Europe (les prix en 2025 ne sont pas encore rendus publics par le CDP[8]), et cela prend du temps. Mais y répondre, c’est faire un choix stratégique avisé. C’est miser sur un organisme reconnu, engagé dans une amélioration continue, qui vous aidera à structurer vos données, gagner en efficacité et mieux anticiper les exigences réglementaires à venir.
[1]How the new CDP questionnaire aligns with ESRS - Youtube CDP
[2] Exploring the overlaps between CDP and CSRD Disclosure - Youtube Goodbody Clearstream
[3] CDP's Alignment with Disclosure Frameworks and Standards - Site CDP
[4] Méthodologie de scoring du CDP
[5] Dashboard des réponses publiques au CDP
[6]Partie Climate Change du CDP
[7] Le GHG Protocol (Greenhouse Gas Protocol) est un référentiel monde de compatibilité carbone de calcul des émissions de gazs à effets de serre
[8] Page FAQs du CDP - How much is the CDP admin fee?
[1] Étude Komeet Baromètre RSE 2024
Auteur : Adrien P., expert People4Impact
Ingénieur de formation, Adrien Padellec accompagne les entreprises de toute taille vers une stratégie de décarbonation, du bilan carbone au SBTi.